Rédigé par Justine LEPICIER, Accueillante éducatrice spécialisée à l’ESJ
Temps de lecture : 8 minutes
Durant une journée ordinaire, notre cerveau génère plus de 6200 pensées. Parmi ces pensées, certaines amènent à prendre des décisions. Quel tee-shirt porter aujourd’hui ? Qu’est ce que je vais manger ce midi ? Mais les décisions peuvent également se montrer plus complexes ou du moins, plus déterminantes sur la suite de notre parcours. Si « choisir c’est renoncer » selon André Gide, pourquoi nous efforçons nous à prendre des décisions et qu’est ce que ce mécanisme apporte-t-il ?
Les choix, quelle(s) fonction(s) ?
Tout au long de notre vie, notre capacité à faire des choix évolue. Le fait de choisir répond à trois besoins fondamentaux : le besoin d’autonomie, le besoin de compétence, et le besoin d’appartenance.
L’autonomie est la capacité à créer son propre cadre, élaborer ses propres règles. On peut également définir l’autonomie comme la capacité à se prendre en charge de manière libre et indépendante. Le besoin d’autonomie relève donc d’un besoin de distanciation de l’ « Autre » par la réalisation de ses propres normes.
La compétence est la « connaissance approfondie, reconnue, qui confère le droit de juger ou de décider en certaines matières ». Le besoin de compétence succède donc le besoin d’autonomie. En effet, lorsque la compétence est reconnue, la confiance s’installe. La reconnaissance des connaissances et la confiance installée facilitent alors la prise de décision. Cette confiance en soi et que l’autre nous accorde permet ainsi de conserver un sentiment de contrôle sur sa vie.
L’appartenance est définie dans le dictionnaire comme le fait d’être soumis à quelque chose ou quelqu’un. D’un point de vue étymologique, le terme appartenir provient du latin «appertinere» qui signifie « faire partie de ; être la propriété de ». Cette appartenance dans le cadre de notre thématique est amenée d’un point de vue social. A savoir, l’appartenance à un groupe. Par conséquent le besoin d’appartenance, peut influencer nos choix par le besoin de validation d’autrui, dans un souci d’intégration, de reconnaissance par les pairs.
Faire des choix est donc un moyen de se réaliser à la fois individuellement, dans un souci d’émancipation, mais également un moyen d’accéder à une intégration sociale. C’est justement parce que les décisions répondent à ces deux facteurs opposés que celles-ci ne sont pas toujours évidentes à prendre. C’est également pourquoi, il est parfois complexe en tant que parent, d’accompagner les choix de son adolescent. De plus, l’adolescence est une période où le système limbique (le cerveau dit “émotionnel ») prend le pas sur le cortex préfrontal, pouvant entraîner des réponses plus impulsives et rapides face aux situations émotionnelles. Daniel Kahneman distingue la prise de décision spontanée et la prise de décision réfléchie. Ces deux systèmes cognitifs ont chacun leur utilité selon la situation rencontrée. De ce fait, il nous paraît nécessaire de faire le lien entre prise de décision et émotions.
Les émotions, entre alliées et handicap.
Les émotions nous traversent chaque jour à chaque étape de notre construction. Elles peuvent être agréables ou non. Les émotions sont le reflets de notre état psychique à un moment « T » mais elles sont également de bonnes béquilles lorsqu’il s’agit de comprendre nos besoins. En effet si l’on divise vulgairement les émotions en deux catégories : les émotions dites « positives » mettent en avant des « opportunités » là où les émotions dites « négatives » mettent en avant un « danger ».
Pour autant les émotions dites « négatives » ne sont pas nocives. Bien que les émotions soient désagréables, elles ont une fonction. Par exemple, l’émotion qu’est la peur nous invite à fuir, à nous protéger du danger. Cela ne veut pas pour autant dire que fuir est l’unique possibilité. En effet, une réflexion autour des moyens à mettre en place pour se protéger, se rassurer peut être engagée. Il est à noter que les émotions se manifestent à différentes intensité et il est important de le prendre en considération.
Par exemple : Un adolescent hésite entre une orientation professionnelle scientifique (là où ses notes sont les meilleures – émotion de sérénité) et une orientation littéraire (là où ses résultats sont moyens – émotion d’appréhension). Il s’agira de déterminer les besoins et envies qui expliquent l’hésitation entre ces deux orientations d’une part et de trouver différentes solutions afin de rendre l’appréhension secondaire si cela est possible afin de se concentrer sur le souhait initial.
Les émotions sont donc des indicateurs importants à prendre en compte, qu’il faut prendre le temps d’écouter, afin de mieux répondre aux besoins que celles-ci camouflent.
Comment faire face et/ou accompagner les choix de mon enfant/ado?
Mais avec tout ça, quand on est parent d’adolescent, avec tout ce que l’adolescence implique : émancipation, exacerbation des émotions, comment fait-on ?
L’adolescent est un adulte en construction. Il passe par des expérimentations personnelles afin de s’accomplir en dehors de la cellule familiale. Laisser le dialogue ouvert et sans jugement est une première porte vers l’accompagnement à la prise de décision. L’adolescent par son besoin d’émancipation peut souvent se trouver dans le rejet du cadre. Le besoin de compétence vu précédemment devient alors un moteur très fort durant cette période de vie. La confiance même si elle peut s’avérer difficile à accorder et l’écoute sont une seconde porte. Une troisième porte envisageable lorsque l’adolescent se montre difficile dans l’écoute du cadre ou dans la prise de décision est tout simplement de lui faire plusieurs propositions : « Je souhaite que tu fasses tes devoirs : tu préfères les faire avant manger ou après manger ? ». Le fait de laisser plusieurs options permet alors à l’adolescent d’avoir un sentiment de contrôle sur sa vie (besoin d’autonomie), tout en étant accompagné par son parent (besoin d’affiliation) qui lui accorde sa confiance dans le fait de répondre à la demande (besoin de compétence).
Conclusion
Faire des choix ou accompagner dans la prise de décision n’est donc pas chose aisée. Nous retiendrons alors le fait qu’un choix ne peut être fait pour autrui, mais qu’il peut être accompagné par le renforcement positif et la valorisation des savoirs faire et être de l’adolescent. Enfin, l’identification, la compréhension des émotions et des besoins qui en découlent sont nécessaires afin de faire des choix éclairés et apaisés.